Poèmes de ‘Mère’

Ta main

Tuesday, September 29th, 2009

Ta main

Il n’y a plus de réveil que violent
Chaque matin je reprends conscience d’un fait
Tu es morte, maman
Et moi je dois vivre quand même.

Bien sûr je pense à me tuer
Puisque tu étais tout, maman
Mais ton désir que je vive
En est un élément.

Sans toi ce n’est plus exister
Ce n’est plus vivre vraiment
Alors je vais survivre, au sens premier
Surexploiter l’instant.

Mon bonheur je te l’ai promis
Sur ton lit de mort, maman
Plus de pudeur ou de compromis
Je vais achever ce roman.

Chaque heure écrira sa ligne
Dont je serai l’auteure réjouie
Et toi la muse, maman
Souviens-toi comme on se moquait
De la mort et des vivants

Désormais j’écrirai
Une vie sans lendemain
Agrippée à chaque moment
Pour m’amuser encore longtemps
Et ne jamais lâcher ta main.

À ma mère, Montrouge, le 29 septembre 2009

Description de la mort

Tuesday, September 29th, 2009

Description de la mort

Je n’arrive pas à écrire sur ta mort.
Il y a ce vieux tee-shirt, là
Accroché au-dessus de mon lit.
Tu le portais ce jour-là,
J’y sens ton odeur encore.
Il y a l’agrandissement d’une mammographie, ici
Encadrée au-dessus de mon lit.
La photographie de ton sein,
Avant le carcinome malin.
Il y a une bague à mon doigt,
La bague en diamants de ta grand-mère,
Qui est trop grande.
Il y a de la lavande, juste là
Posée sur la table,
Qui vient du cimetière.
Il y a le bibelot que tu m’as offert, ici
Posé sur la hifi,
Deux êtres enlacés.
Il y a le collier que je t’ai offert, aussi
Suspendu près de la fenêtre,
Que souvent tu portais.
Il y a ton gilet violet, plus loin
Pendu dans l’entrée,
Je ne me souviens plus si c’était le tien ou le mien.
Il y a des photos du passé, tout près
Collées sur le mur au-dessus de ma tête.
Et puis là, présent, sur la table de chevet,
Il y a le téléphone,
Que je ne décroche plus.
Il y a le téléphone,
Qui reste muet.
Il y a le téléphone,
Le silence absolu.

À ma mère, Montrouge, le 16 septembre 2009

Terre Promise

Tuesday, September 15th, 2009

Terre Promise

Tu marchais sans déplacer l’air
Tu glissais et je m’affairais
À agripper ta robe de chanvre
Mes doigts se refermant sur la fumée
Tremblaient de ne pouvoir t’attraper

Toi longue femme dont j’étais la moitié

Aujourd’hui tu meurs sans pleurer
Et moi arrosant de mes larmes
Les fleurs putrides de ton mal
Je m’en irai les voir pousser
Dans la terre promise des condamnés.

Août 2004

Aube orange

Tuesday, September 15th, 2009

Aube orange

J’entre dans la pénombre
Je comprends la lumière orange
Derrière les rideaux de fer
Il est trop tôt pour s’éveiller
C’est la première fois
Que le jour se lève
Sur un espoir crépusculaire

Je n’attends plus la consécration
Je n’attends plus la joie
Je guette l’oraison funèbre

Le froid baigne dans l’illusion du chaud
Le chaud dans l’illusion du froid
C’est une aube de tiédeur
Aux atours transparents

L’écume des jours devient celle des heures
De mourir on devient impatient

En finir avec les couleurs
Avec les jeunes filles en fleur
La beauté inhérente
À ce qui recommence

La répétition est vulgaire
Et je n’ai qu’une seule mère.

Comprends-tu ciment
Comprends-tu pierre

Éléments calcaires
Imprégnez-vous de cette idée

Le matin se développe
Dans toutes ses phases charnières
Et nettoie ses charniers

Les poubelles et mon cadavre
Tout est ramassé

Le plus grand singe du monde
N’impressionne plus personne
Et partout dans les rues
C’est un autre air qu’on fredonne

Une sonate en ré mineur
Qui fait grincer les dents des chats
Qui se prenaient pour des chiens

Tournez la page blanche
Sur la prise de la Bastille
Les systèmes sont écrits
Les matins en sont aussi

L’aube se développe donc
Orange
Et ne produit rien
Que le dernier râle
D’un coq mourant

La campagne est finie
Je n’attends plus de joie

La grande faucheuse va passer
Faire sa vendange

Buvons à son ivresse

Buvons, mourons
Rendons hommage aux cycles
Plions-nous aux algorithmes
Du désespoir

Jamais je n’avais souffert.

Je n’ai fait qu’attendre
Ce matin délicieux

L’aube se développe
Pleine d’espoir
Elle nous trahit

Je n’attends plus le désir
Le plaisir m’a fait vivre
Et le plaisir s’en va

Toute chose s’amoindrit
Seul le doute croît
Le corps déjà se flétrit
Dedans l’enfant croit

Et puis vient l’aube orange
Vient le trépas
Le renversement du haut
L’effondrement du bas

Écoutez, murs

Il n’y a plus de sol pour vous porter
Même plus de jachère
L’aube orange
Annonce un soleil fertile
Sur une terre brûlée

Le grand mensonge s’écroule
Il n’y a rien après
Que le fer et la rouille
Le matériau vivant

Désormais

Mes pieds seront toujours meurtris
Et mes pas égarés

Je n’attends plus de route
Je n’attends plus d’issue

Rien ne peut plus se mouvoir
Ni rien n’être mu

L’aube est parfaitement orange

La mort est en avance
Et le temps reste suspendu
À ses lèvres noires.

Février 2009

Toutes meurent

Tuesday, September 15th, 2009

Toutes meurent

Terre d’accueil
Mère de deuil

Tout ce qui n’est pas toi
Est tût

Sur ma tête un toit
Fichu

La mort même lente
Est toujours fulgurante.

Décembre 2004

Mère

Tuesday, September 15th, 2009

Mère

Dire que mon corps a été dans ton corps
Il y est un peu encore
Quand j’ai froid quand je m’endors
Et quand je me donne la mort.