Léon Gauthier-Ferrières, Durant cette guerre, affreuse et maudite…
Friday, November 27th, 2015Durant cette guerre, affreuse et maudite,
Terré dans la nuit sans rien voir de beau,
Je vis dans les trous comme un troglodyte,
Le front sur la pierre et pieds dans l’eau.
Suis-je pas plutôt la taupe qui rampe
Que l’homme aspirant à l’azur qu’il voit ?
La boue est mon lit, la lune est ma lampe,
La poussière emplit ma maison sans toit.
Comme mon fusil, ma pipe est bouchée,
Je n’ai plus de feu même en amadou,
Et j’attends la mort dans quelque tranchée
Par un coup tiré nul ne saura d’où.
Pas de goutte à boire, aucun livre à lire,
À peine une lettre une fois par mois,
Moi qui, comme un Maître, ai porté la lyre,
Le fusil me pèse ainsi qu’une croix.
La journée on cuit, le soir on grelotte ;
La barbe vous gratte et la peau vous bout ;
Je suis devenu presque sans culotte,
Avec mes habits déchirés partout…