Gide ou la dévoration
Gide ou la dévoration
Où sont les limites de son corps, de son âme perdue dans l’affaissement des mots; la fabuleuse déchetterie de syllabes qui galbent la pensée, elle adhère, elle s’y colle, sans s’arrêter elle lie les lettres, une à une et deux à deux trois à trois, elles se dessinent et lui ouvrent une idée, aussi abstraite qu’un paysage nocturne obombré de lunes, que l’on sait pourtant devant soi, sans bien en définir les éléments, elle la devine, toute brumeuse, vêtue de sens, d’odeurs de caresses de sons grésillant, et sous les sens le sens se laisse capturer, pris dans un filet vaporeux, plus deviné qu’emprisonné, il file aussi vite que les mots, mais jamais ne s’échappe, bien au contraire il se tisse point par point, par la grâce de l’aiguille, ample et inassouvie.
Elle s’énerve de ce mouvement, sans cesse tourmentée, s’abrutissant dans le sujet persévérant dans le verbe s’oubliant dans le complément, et finit par lâcher prise à la profusion, la sagesse infertile s’aplatit sous le limon sensuel des allusions, et la bête en elle surgit à sa conscience, affamée de verdeur, brûlée par le cru, et comme l’infamie ne se laisse jamais décrire alors l’imagination éclate, obturée de fenêtres sur l’abîme de soi-même, l’image n’évoque pas, elle évade du récit, elle la porte vers l’idée.
Alors le temps devient mou, se repose au soleil alangui du plaisir, comme empêtré dans un tableau de Dali, suinte et s’étend sur le sol, énerve l’attente. La pauvre lectrice dysmorphose sa crâne apparence, s’étale limaçonne s’enroule et rampe bientôt, mue par la distension des heures, racoleuse sur le trottoir du fantasme, elle est prête à donner son cul toute en lui concentrée, insatiable elle laisse les mots la pénétrer.
Juillet 2006