Aube orange

Aube orange

J’entre dans la pénombre
Je comprends la lumière orange
Derrière les rideaux de fer
Il est trop tôt pour s’éveiller
C’est la première fois
Que le jour se lève
Sur un espoir crépusculaire

Je n’attends plus la consécration
Je n’attends plus la joie
Je guette l’oraison funèbre

Le froid baigne dans l’illusion du chaud
Le chaud dans l’illusion du froid
C’est une aube de tiédeur
Aux atours transparents

L’écume des jours devient celle des heures
De mourir on devient impatient

En finir avec les couleurs
Avec les jeunes filles en fleur
La beauté inhérente
À ce qui recommence

La répétition est vulgaire
Et je n’ai qu’une seule mère.

Comprends-tu ciment
Comprends-tu pierre

Éléments calcaires
Imprégnez-vous de cette idée

Le matin se développe
Dans toutes ses phases charnières
Et nettoie ses charniers

Les poubelles et mon cadavre
Tout est ramassé

Le plus grand singe du monde
N’impressionne plus personne
Et partout dans les rues
C’est un autre air qu’on fredonne

Une sonate en ré mineur
Qui fait grincer les dents des chats
Qui se prenaient pour des chiens

Tournez la page blanche
Sur la prise de la Bastille
Les systèmes sont écrits
Les matins en sont aussi

L’aube se développe donc
Orange
Et ne produit rien
Que le dernier râle
D’un coq mourant

La campagne est finie
Je n’attends plus de joie

La grande faucheuse va passer
Faire sa vendange

Buvons à son ivresse

Buvons, mourons
Rendons hommage aux cycles
Plions-nous aux algorithmes
Du désespoir

Jamais je n’avais souffert.

Je n’ai fait qu’attendre
Ce matin délicieux

L’aube se développe
Pleine d’espoir
Elle nous trahit

Je n’attends plus le désir
Le plaisir m’a fait vivre
Et le plaisir s’en va

Toute chose s’amoindrit
Seul le doute croît
Le corps déjà se flétrit
Dedans l’enfant croit

Et puis vient l’aube orange
Vient le trépas
Le renversement du haut
L’effondrement du bas

Écoutez, murs

Il n’y a plus de sol pour vous porter
Même plus de jachère
L’aube orange
Annonce un soleil fertile
Sur une terre brûlée

Le grand mensonge s’écroule
Il n’y a rien après
Que le fer et la rouille
Le matériau vivant

Désormais

Mes pieds seront toujours meurtris
Et mes pas égarés

Je n’attends plus de route
Je n’attends plus d’issue

Rien ne peut plus se mouvoir
Ni rien n’être mu

L’aube est parfaitement orange

La mort est en avance
Et le temps reste suspendu
À ses lèvres noires.

Février 2009

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