Ontogenèse mentale
Ontogenèse mentale
Le monde va mal ; les gens s’en tapent.
Dédaigneux, ils sont heureux chez eux,
Ignorants volontaires des chapes
Polluantes des trop-pleins gazeux.
Dans la rue, ils snobent les non-connus
Scrutant le sol évitant tout contact.
Le but de leur sortie m’est bien connu :
Rentrer au plus tôt dans leur bulle, intacts.
Là, ils profitent de l’argent mérité.
Bien au chaud, télé allumée, ils savourent
Le spectacle accepté des déshérités.
Pour eux, c’est en soi un acte de bravoure.
À Paris plus qu’ailleurs, ce défaut saute aux yeux.
J’ai grandi dans cette atmosphère, pourrissant
Mon cœur. C’est que l’aveuglement est contagieux.
Puis l’insoumission vint à moi adolescent,
Me commandant de fuir ce mode de vie.
Cela signifiait être seul et savant.
L’isolement engendra bien des envies
Inassouvies, la science en masqua souvent.
Quelques potes surent m’amadouer
Et devinrent peu à peu mes amis.
Les journées se firent plus enjouées,
Et je m’épanouis dans cette alchimie.
Alors, le besoin de voyager
M’investit Messager Convaincu.
Il fallait partir pour partager
Avec des inconnus mon vécu.
Auréolé du Titre Hautain,
Je m’installais à Rennes, certain
De rencontrer des gens accueillants,
Notamment dans le monde étudiant.
Mais ma triste mine acquise à Paris
N’aide pas à la camaraderie.
Seul j’arrive en amphi, seul j’en repars :
Personne n’ose franchir les remparts
De mon mal de vivre affiché à tous vents.
J’en viens à penser que c’était mieux avant
Quand, enfin, mon ciel ténébreux s’éclaircit :
Un club de foot m’accueille gaiement. Merci !
Grâce au CPB, les jours de cours sont moins longs
Quand le soir venu, je pars taper le ballon.
Je reprends goût aussi à la vie étudiante
Qui est devenu d’un seul coup plus attrayante.
Mes binômes ne sont plus uniquement
Collègues de TP mais également
Camarades d’intercours ou de soirée.
Ma vie sociale s’en trouve améliorée.
Je me sens pourtant encore à l’étroit :
Je dois conquérir un nouvel endroit
Où me sentir toujours plus étranger
Et malgré tout pouvoir m’y intégrer.
Un professeur, en début de cours,
Parle d’Erasmus. Depuis ce jour,
Je me vois parti pour l’Italie.
Sélectionné, m’y voilà parti.
Après une longue nuit de train
J’arrive ambitieux de volonté,
Le cœur et les idées pleins d’entrain,
À Parme, ville emplie de bonté.
Dans la froideur d’un début de journée
Hivernal, la chaleur des parmesans
Et leur naturel si attentionné
M’aident à trouver l’Uni aisément.
J’arrive là-bas chargé comme un baudet.
J’ai à peine le temps de me présenter
Que de nombreux bras se lèvent pour m’aider
Tout en commençant déjà à plaisanter.
L’impression de découvrir un monde idéal
Ne fera que se confirmer au fil des mois.
Ici, en tout domine l’esprit convivial
Et je réalise que l’ignorant, c’est moi
Car j’ai beau connaître tant et tant de choses,
Si je ne sais pas accueillir l’Étranger,
Je m’autoglorifie et je me repose
Sur de pseudo-lauriers – Attention, danger !
Les différentes doses de savoir,
Plus ou moins futile ou approfondi,
N’ont plus de place quand venu le soir
Il faut fermer les encyclopédies
Et livrer plus de moi que des mots.
Il peut apprendre ce que je sais
N’importe où. Ce que je suis et vaux,
Je suis seul à pouvoir lui donner.
Et réciproquement. Ébranlé
Dans mes convictions, il me fallait
Choisir entre persévérer ou
Fuir avant que ce chamboule-tout
Mental ne m’ait complètement changé.
J’ai pendant quelques jours envisagé
Poursuivre mon cursus en Italie
Mais des nuits blanches au fond de mon lit
M’ont retenu. La raison consciente était
Si simple : Ne pas être un poids financier
Pendant des années pour moi ou mes parents.
La décision prise, je mis bien longtemps
À comprendre qu’inconsciemment j’avais eu peur
D’évoluer et faire miennes les valeurs
Parmesanes. Bref, savoir que mon idéal
Existe et n’oser s’y conformer : pas génial !
M’étant donc révélé mes aspirations
Il ne reste qu’à mettre en adéquation
Vie et envie, à Parme ou bien n’importe où ;
Cela importe peu au final. Surtout
Surmonter la paralysie logique
De rencontres avec d’ex-identiques,
Reflets tentants d’un passé révolu
Dont je ne veux plus puisque j’évolue.
Ne pas retomber dans mes travers.
Profiter des gens qui me sont chers.
Saisir, opportun, les bons moments.
Espacer, bien malin, les tourments.
2000