Le pauvre

Le pauvre

Le pauvre est encore là, au café du coin

Au café d’en face, arrivent les carriéristes
On voit, des deux côtés du hasard du besoin,
Les pintes remplies de bière et les mines tristes

En hiver, il ne fait pas bon dormir dehors.
Le pauvre est encore là, pourtant. Il a froid.
Les centres d’accueil sont bondés. Trop peu d’efforts :
Chaque année, la misère peu à peu s’accroît.

Voilà, je suis Gare du Nord et les gens passent
Sans se connaître et je vais retrouver ma muse.
Le pauvre est encore là, toujours à sa place,
Mendiant la pièce que l’avare lui refuse.

L’Université regorge de sommités,
Plus ou moins imbues de leur savoir, triomphant
Dans les amphis mais décevant dans la cité.
Le pauvre est encore là, mi-philosophant.

Le pauvre est encore là, à moitié rêvant
Devant les monuments les plus beaux de Paris.
La police évacue ce cabossé vivant :
Les touristes veulent du chic, pas des débris.

À l’église, le prêtre donne la leçon.
Le pauvre est encore là, attendant son sort,
Lorsqu’à minuit j’entends, de son lugubre son,
La cloche sonnant l’heure en appelant la mort.

Sa journée laborieuse accomplie, l’employé
Regarde les infos à la télévision.
Le pauvre est encore là. Il sera noyé
En direct du Brésil grâce aux inondations.

Dans les banlieues friquées, comme partout ailleurs,
Les bancs publics ont une barre en leur milieu.
Le centre-ville sent désormais bien meilleur.

Le pauvre est encore là, hantant d’autres lieux.

2001

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